La composante de l’environnement
En 1998, l’UNESCO et le Royaume du Maroc ont désigné l’arganeraie marocaine réserve de biosphère MAB.
L’arganeraie est l’espace où vit l’arganier, espèce endémique du sud-ouest marocain, de la famille des sapotacées. C’est une curiosité botanique, un véritable paradoxe phyto-géographique dont l’écosystème est complexe.
D’expansion géographique très limitée, l’arganier se trouve confronté à un climat très complexe qui regroupe l’océanité, la haute montagne et le désert.
L’arganeraie se présente sous forme d’un triangle à partir du segment littoral qui va du nord d’Essaouira jusqu’au sud d’Agadir, en pénétrant dans les terres jusqu’à l’est de Taroudant.
L’arganier peut développer des racines puissantes à plus de 30 mètres de profondeur. Par le jeu de la respiration et de la condensation atmosphérique, il restitue l’eau à la couche superficielle du sol, en constituant ainsi un rempart efficace contre l’érosion et la désertification.
En moins d’un demi-siècle, la densité moyenne de l’arganeraie nationale est passée de 100 à 30 arbres/ ha, tandis que les superficies couvertes régressaient en moyenne de 600 Ha par an, réduisant ainsi la diversité génétique. Car la dégradation de l’arganier s’accompagne de la disparition de plusieurs espèces animales et végétales qui en dépendent, et contribue ainsi à l’érosion du sol.
La diminution de la couverture végétale augmente le ruissellement et diminue l’infiltration de l’eau, amenant un accroissement des dangers d’inondations et la diminution de la nappe phréatique.
La composante socio-économique
Le village (appelé douar, ighrem, dchar, ksar,...), unité sociale de l’arganeraie, est construit selon des techniques anciennes, avec des charpentes en bois d’arganier. Ils sont situés en hauteur, et sont reliés aux autres villages par des sentiers.
La région où se situe notre action est desservie par une route goudronnée en excellent état.
En dehors d’une petite mosquée, la région ne dispose pas de centre de formation ni d’aucune autre infrastructure. L’accès à l’eau est collectif, et se trouve à 1 ou 2 km selon les villages. Les villageois utilisent le bois de forêt pour subvenir à leurs besoins, certains utilisent des bouteilles de gaz, mais le marché hebdomadaire ne facilite pas la recharge.
En abordant la question de la propriété dans l’arganeraie, on remarque l’existence de plusieurs acteurs. Chaque groupe se caractérise par son identité sociale, culturelle et donc économique qui lui est propre. Ces différences se retrouvent dans le mode d’utilisation des terres, de l’eau et de la forêt. On distingue :
• Les éleveurs mobiles d’ovins, caprins et camelins, autochtones et pour qui la forêt représente un espace de pâturage, ce qui a provoqué des conflits avec les habitants sédentaires, portant sur l’utilisation du sol et de l’eau.
• Les agriculteurs qui utilisent la forêt d’arganier pour les cultures intercalaires, et bénéficient du fruit d’Argan ainsi que du bois. En général, la région d’Agadir constitue la première zone primeuriste intense du Maroc. Elle prédomine par ses produis agrumicoles et maraîchers, notamment en petits fruits, en oranges et en tomates puisqu’elle contribue aux exportations nationales, respectivement, à hauteur de 53%, 50% et 83%.
• Les coopératives d’huile d’argan qui sont à 100 % des coopératives féminines composées par les femmes d’agriculteurs. Elles extraient des fruits d’argan de l’huile cosmétique et culinaire très recherchée.
• Les forestiers ont pour fonction de conserver et valoriser cette ressource tout en exploitant le bois.
• Les élus communaux bénéficient de l’arganier par la vente du bois, qui constitue une ressource financière importante pour les communes rurales.
L’arganeraie est donc un espace essentiel aux activités humaines, puisqu’il est à la fois un bien de consommation et un facteur de production. Son utilisation par les différents acteurs génère souvent des rivalités et donc une mauvaise gestion de l’espace. La dégradation de l’arganeraie est à la fois la cause et la conséquence de l’appauvrissement des zones rurales.
La proximité du Grand Agadir et le manque d’infrastructure (pas de réseau de distribution d’eau ni d’électricité) a causé une forte immigration, donc un exode rural massif qui a favorisé l’augmentation des habitats insalubres, du chômage et de la fracture sociale.
La composante politico juridique
Le village constitue un niveau élémentaire de l’organisation territoriale et sociale. Il désigne le regroupement des familles, basées sur un même espace. C’est l’entité spatiale de base regroupée en commune rurale, fondée sur un pacte de solidarité, la Touiza, pour la mise en valeur collective d’un territoire.
On distingue dans ces villages :
• Une solidarité culturelle (gestion des lieux de culte, organisation des fêtes de mariage, festivals et maarouf) ;
• Une solidarité familiale exprimée à travers le rôle de l’émigration dans la survie des exploitations en milieu rural ;
• Une solidarité de travail par la participation à la vie agraire et. l’exploitation des ressources naturelles
Sur le plan institutionnel, le Maroc a opté pour une politique territoriale diversifiée donnant naissance par touches successives à un édifice à trois étages : niveau communal, provincial et régional.
C’est l’instance communale qui, politiquement, juridiquement et même financièrement, porte l’ensemble de l’édifice. Il en est le support fondamental puisque c’est à ce niveau que le processus électoral et participatif est organisé pour servir ensuite de plate-forme de base pour le fonctionnement des deux autres catégories de collectivités locales
Quant au niveau provincial, dit intermédiaire, dès le départ, il a été placé sous contrôle de l’Etat si bien qu’il est difficile vraiment, dans le cas de la province, de parler d’une véritable décentralisation, même si des conseils élus incarnent juridiquement cette vocation.
Aussi, l’échec de la province sur le front économique et social ouvre-t-il la voie à la région adoptée comme entité décentralisée en avril 1997.
Contrairement à la province, le cadre régional apparaît d’entrée moins dépendant du contrôle de l’Etat central.
Locale : Dans le modèle tribal ancien, l’exercice des droits d’usage obéit exclusivement aux règles coutumières. Ces droits d’usage étaient en général incessibles et inextensibles. Le critère de bénéfice de ces droits reposait sur le principe d’appartenance à la Jmâa (groupe), qui est également une condition de résidence dans le territoire.
Dans la pratique, la coutume reconnaît aux bénéficiaires le droit de transmettre à leurs descendants les droits d’usage, par la voie d’individualisation du droit de propriété. Les principaux droits d’usage exercés à l’époque étaient le pâturage, le défrichement et les différentes utilisations du bois ; les riverains en jouissaient pleinement comme de réels propriétaires. (Code forestier établi en 1917 (Dahir du 10 Octobre 1917)).
Par ailleurs, le régime spécial aux arganeraies prévoit des droits plus étendus pour les occupants (Dahir du 4 mars 1925). Outre les prérogatives habituellement reconnues aux usagers en matière de cueillette des fruits et de prélèvement de bois de service, ils accèdent à l’utilisation du sol, à la coupe de branchage pour ériger des clôtures ainsi qu’à l’enlèvement de la terre, du sable et de la pierre.
Internationale : Les recommandations de Séville
Le cadre de la Réserve de Biosphère d’Arganeraie ne remplace pas un schéma d’aménagement du territoire mais en fait partie.
Pour remplir leurs fonctions complémentaires de conservation et d’utilisation des ressources naturelles, La Réserve de Biosphère de l’Arganeraie est constituée de trois zones interdépendantes : une aire centrale (A), une zone tampon (B) et une aire de transition (C).
En dehors du plan de management de la Réserve de Biosphère de l’Arganeraie, nous n’avons pas pu acquérir une carte détaillée limitant les différentes zones.
Selon les informations recueillies (la population locale ignore l’existence de ces zones), on pense que les villages où va se situer l’action appartiennent à la zone (B) et (C). Il est donc judicieux d’harmoniser les impératifs nationaux et internationaux.
Article 3 - Fonctions
Les réserves de biosphère s’efforcent de constituer des sites modèles d’étude et de démonstration des approches de la conservation et du développement durable au niveau régional, en combinant les trois fonctions décrites ci-dessous
(1) conservation - contribuer à la conservation des paysages, des écosystèmes, des espèces et de la variation génétique ;( 5-3-3)
(2) développement - encourager un développement économique et humain durable des points de vue socioculturel et écologique ;( 5-3-1/2)
(3) appui logistique - fournir des moyens pour des projets de démonstration et des activités d’éducation environnementale et de formation, de recherche et de surveillance continue sur des problèmes locaux, régionaux, nationaux et mondiaux de conservation et de développement durable. (5-4)
L’eau, au carrefour de toutes les composantes
L’arganeraie se trouve donc à l’interface des trois composantes intimement interdépendantes. Ce constat est bien illustré par la problématique de l’eau qui représente un grand enjeu, l’offre est limitée, mais la demande est croissante et la concurrence entre les différents secteurs est rude. En effet, cette région a connu un important développement hydro agricole, touristique et urbain et connaît donc une très forte demande.
La surexploitation de l’eau souterraine du Souss pour l’irrigation a causé le déclin de la forêt d’arganiers en favorisant la désertification et donc une baisse de fertilité du sol, qui a eu un effet néfaste sur l’activité agricole et les revenus des agriculteurs.
A ceci s’ajoute la faiblesse des précipitations qui ne permettent plus de compenser la consommation grandissante et ne suffisent plus au remplissage des barrages dont le niveau frôle en permanence le stade critique. La recharge naturelle de la nappe phréatique ne suffit plus à combler les prélèvements importants. En 1998, les entrées d’eau dans la nappe étaient estimées à 256 millions de mètres cubes environ et les sorties à 614 millions.
La politique environnementale ne peut se limiter au traitement des espaces naturels, à la préservation des paysages et à la protection des espèces. Il faut également y associer les questions sociales (croissance démographique) et économiques (décisions politiques et économiques), car chacune d’elle interagit sur le système.
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